27 Mai

Les perspectives de l’électricité d’origine renouvelable

Depuis plus de 15 ans, j’ai observé les faits marquants et les progrès réalisés en matière d’énergies renouvelables, notamment les plus compétitives comme l’éolien et le photovoltaïque. En effet, ces sources d’énergie électrique semblaient apporter des réponses concrètes aux deux principaux défis de notre époque : la raréfaction des énergies fossiles et les premières conséquences du dérèglement climatique. Bien que la France ait accumulé des retards par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne, la presse spécialisée annonçait sans retenue que le mouvement favorable aux énergies renouvelables allait s’accélérer.

Le Président de la république vient d’annoncer un triplement de l’éolien terrestre et un quintuplement du photovoltaïque d’ici à 2030 mais un état des lieux s’avère nécessaire pour esquisser des perspectives d’avenir réalistes.

Le bel héritage de l’hydroélectricité

Selon les données du Syndicat professionnel de l’hydroélectricité, la France est le deuxième producteur européen dans ce domaine. En effet, l’hydroélectricité reste de loin la première source d’énergie électrique renouvelable. Elle représente 12 à 13% de la production totale d’électricité sur le territoire français et plus d’un tiers de l’électricité d’origine renouvelable.

Sauf exception, tous les barrages artificiels ont été édifiés par l’Etat avant les années 60 et la position d’EDF sur le marché de l’hydroélectricité reste ultra-dominante puisqu’elle gère plus de 400 barrages, soit 80% de la puissance installée sur notre territoire. En marge de ce constat, il convient de mettre en relief la petite hydroélectricité reposant sur 2500 petites centrales, elles-mêmes réparties sur 250 000 km de rivières. Leur production annuelle de 7000 GWh, équivalente à celle d’un réacteur nucléaire de première génération, représente environ 10% de toute la production hydraulique française.

Petite centrale hydroélectrique

Hélas, le développement de l’énergie hydroélectrique semble avoir atteint ses limites car, bien qu’elle soit renouvelable et durable, sa production impacte les milieux aquatiques en eau douce et les associations concernées estiment que tous les fleuves et que toutes les rivières sont déjà fortement équipés. Pour ces associations, il va de soi que le développement de l’hydroélectricité doit respecter les autres exigences environnementales. Néanmoins, les technologies ont évolué et on peut accroître de 25 à 30% la puissance électrique des barrages existants avec des turbines de nouvelle génération.

Un autre volet de développement suscite un grand intérêt car il met en jeu des puissances phénoménales sur les grands barrages existants. En effet, on peut utiliser des turbines réversibles aux heures de faible consommation électrique pour pomper l’eau dans le bassin inférieur et reconstituer la réserve d’eau dans le bassin supérieur. A ce titre, l’interconnexion du réseau de transport d’électricité (RTE) en très haute tension (400 kV) offre toute la souplesse nécessaire pour permettre au gestionnaire d’équilibrer avec précision la production et la demande. Ces stations de « transfert d’énergie par pompage » ont déjà trouvé de gros débouchés en Chine, au Japon et en Amérique du Nord puisque la puissance totale installée dépasse 150 GW, soit l’équivalent de 150 réacteurs nucléaires !.

Principe du pompage/turbinage

La production dérisoire des toitures photovoltaïques

Des industriels plus ou moins scrupuleux proposent des offres « clés en mains » avec une prime à l’investissement pour des installations de puissance inférieure ou égale à 9 kWc. Cette puissance crête exprimée en kWc est une donnée normative : c’est la puissance que délivre le module photovoltaïque sous un ensoleillement de 1000 W/m2. En pratique, l’énergie produite se détermine avec une puissance moyenne 8 à 10 fois plus faible, selon le le gisement solaire. C’est donc, tout au plus, une énergie d’appoint avec un retour d’investissement difficile à imaginer sans les aides de l’Etat tirées de la fiscalité supportée par tous.

Le lecteur pourra trouver dans la rubrique COMMUNICATIONS de ce site Web : www.renerevolconseil.com tous les critères de dimensionnement d’une station de base autonome en énergie pour la téléphonie mobile. Cette opération pilote, définie conjointement avec EURO-GLOBAL CONSULTANT en 2005, a précédé les déploiements de ces stations de base dans les villages africains non raccordés à un réseau électrique. Le dimensionnement a été déterminé pour une consommation permanente des équipements électroniques de 1400 W. Le générateur photovoltaïque a nécessité 140 modules photovoltaïques de 150 Wc, ce qui représente une emprise au sol de 140 m2. Cela donne un aperçu du faible délestage de la consommation électrique d’un pavillon lorsque des panneaux photovoltaïques posés sur la toiture couvrent une surface dix fois moindre !

Depuis cette date, les nouvelles technologies, telles que le solaire poly-cristallin au silicone, ont permis d’accroître les rendements et de baisser les coûts, mais il faudra attendre de nouveaux produits beaucoup plus élaborés comme les tuiles ou les éléments de façade entièrement photovoltaïques pour déboucher sur un marché de masse dans ce domaine. Par contre, le déploiement de champs photovoltaïques à grande échelle devrait prendre le relais, à l’image des réalisations récentes dans des pays à fort ensoleillement, mais seules des terres non agricoles offriront de telles opportunités dans le sud de la France.

La problématique de l’éolien en France

Comme pour le photovoltaïque, les médias confondent allègrement (ou insidieusement !) la puissance crête et la puissance moyenne dans l’affichage des puissances installées ou des puissances unitaires de chaque machine. Là encore, la puissance crête est une donnée normative : c’est celle qu’une éolienne délivre sous un vent de 12m/s. En pratique, et selon le gisement, l’énergie produite sur l’année peut s’estimer avec une puissance moyenne 5 à 6 fois plus faible pour l’éolien terrestre. En haute mer, le gisement éolien étant plus élevé, on peut capter deux fois plus d’énergie sur une même période.

Au début de la décennie, le marché européen de l’éolien avait enregistré une forte hausse avec 10 GWc installés sur un an, soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires de 900 MW. Contrairement à la France, l’Espagne et l’Allemagne avaient confirmé leur politique volontariste dans ce domaine avec 57% de la production européenne. Néanmoins, la croissance du parc éolien français avait permis d’afficher une puissance totale et cumulée de 5 GWc en fin 2010. Depuis cette date, une certaine stagnation perdure car les éoliennes sont soumises aux règles des installations classées pour l’environnement (ICPE) et les nouveaux parcs doivent intégrer au minimum cinq machines sur un même site. Dans ces conditions, le nombre d’éoliennes installées s’est effondré et le parc national s’est stabilisé à 14 GWc,

La situation est encore plus problématique pour l’éolien en mer: la France s’est engagée à réaliser un parc éolien expérimental au large des côtes bretonnes en 2012 mais ce parc n’a pas été finalisé car les coûts de construction se sont avérés trop élevés,

En conclusion, le débat politique sur la montée en puissance des énergies électriques renouvelables masque trop souvent le coté aléatoire et intermittent des gisements éoliens et photovoltaïques. Cet état de fait implique la mise en fonctionnement quasi instantanée des centrales au gaz et au charbon pour absorber les pointes de consommation électrique. A l’avenir, le stockage d’énergie, centralisé ou réparti, deviendra incontournable pour mieux tirer profit de ces gisements d’énergie propre et gratuite.

Pour développer le stockage centralisé, il conviendra d’investir massivement dans les grosses installations de pompage-turbinage afin de reconstituer au maximum les réserves d’eau en période de faible consommation. Ce stockage d’énergie nécessitera une bonne gestion de la fourniture d’électricité en exploitant au mieux les données du réseau électrique interconnecté et celles des compteurs d’électricité devenus « intelligents » et communicants.

S’agissant du stockage réparti à la source, notamment chez les particuliers, les nouvelles technologies des batteries offrent une capacité massique et volumique nettement améliorée pour l’autoconsommation, mais les faibles puissances mises en jeu n’offrent pas de réelles perspectives.

René Revol

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Références : statistiques mondiales et presse spécialisée + Wikipédia + Euro-Global Consultant