31 Mar

Le « mariage forcé » de l’énergie intermittente et du stockage

Par définition, la disponibilité d’une énergie intermittente varie fortement, et sans possibilité de contrôle. Le terme « intermittent » s’applique particulièrement à l’énergie éolienne et à l’énergie solaire. En France, ces énergies intermittentes représentent globalement 10% de la production nationale d’électricité (8,5 % pour l’éolien et 1,5% pour le photovoltaïque) mais pour garantir la permanence des services, ces énergies intermittentes exigent un stockage temporaire et nous verrons qu’il existe plusieurs procédés pour stocker l’énergie en fonction des besoins. Certaines énergies renouvelables comme l’hydroélectricité sont d’ailleurs disponibles en permanence grâce aux barrages existants ou aménagés en conséquence.

Un état des lieux indispensable

Le mode de production des énergies prend différentes formes. Il y a d’une part les kWh produits par des sources « pilotables », c’est-à-dire rendues disponibles au moment souhaité par le fournisseur d’électricité afin de répondre de manière précise à la demande des consommateurs. Parmi les sources pilotables, on dispose de l’énergie nucléaire, mais avec des cycles longs. On exploite également l’énergie hydraulique dont une partie seulement est pilotable et on consomme des énergies fossiles totalement maîtrisées pour répondre aux besoins (gaz, fuel ou charbon). Compte tenu du caractère aléatoire des sources d’énergie intermittentes, le soin est laissé au gestionnaire du réseau d’équilibrer l’offre et la demande, grâce aux énergies disponibles en temps réel. Néanmoins, avec le développement des énergies intermittentes, en particulier l’éolien et le solaire, la part des kWh non pilotables dans le réseau électrique français va s’accroître. Or cette énergie ne peut pas augmenter de manière désordonnée car une telle situation ferait courir le risque de coupures d’électricité en période hivernale et/ou de surplus en période estivale. Heureusement, avec les réseaux interconnectés, les échanges internationaux sont de nature à mutualiser la surabondance ou le déficit des kWh. De plus, pour les gros consommateurs, « l’effacement » aux heures de pointe fonctionne pendant la période hivernale, mais en période estivale, il convient d’éviter les surplus de production sans valeur économique. Dans ce contexte, la mise en place de systèmes de stockage appropriés est une option à développer pour rendre pilotable une production d’électricité qui ne le sera plus.

Les solutions de stockage pour les faibles puissances

Si on considère les applications individuelles et collectives du photovoltaïque en secteur résidentiel, les batteries au lithium restent un excellent moyen de stockage de l’électricité puisqu’elles se caractérisent par une forte densité énergétique et une longue durée de vie utile.

Dans le cas d’une petite installation photovoltaïque (3 à 9 kW), on peut utiliser son énergie solaire en maximisant l’autoconsommation grâce aux batteries, y compris en dehors des heures d’ensoleillement, ce qui permet de réduire la puissance souscrite de raccordement au réseau, et corrélativement la facture d’électricité, même pour alimenter une borne de recharge d’un véhicule 100% électrique au domicile.

Le solaire adossé au stockage, s’impose également dans le domaine industriel et commercial avec le développement des installations en toiture de grande surface et les parcs solaires aménagés au sol. L’année 2022 s’est d’ailleurs révélée comme étant une année très dynamique pour ces installations photovoltaïques avec une croissance de 2,4 GW et plus de 30 000 installations raccordées pendant le quatrième trimestre. Au final, le nombre de logements équipés en autoconsommation approchait 300 000 en mars 2023, mais hélas, ce chiffre n’est pas comparable aux 1,5 millions de logements équipés en Allemagne.

Installation photovoltaïque en toiture sur un bâtiment commercial (Ref: SMA France)

On retiendra que la hausse quasi permanente du prix du kWh électrique favorise le développement de l’autoconsommation, laquelle devient de plus en plus rentable. A ce titre, une entreprise comme SMA France, pionnière de la technologie photovoltaïque et des systèmes de stockage, propose tout une gamme d’onduleurs avec batteries pour l’optimisation de l’autoconsommation.

Batteries au lithium associées à l’autoconsommation
Batteries au lithium associées à l’autoconsommation

Les solutions de stockage pour les fortes puissances

Prenant en compte l’épuisement des énergies fossiles et le réchauffement climatique, les industriels se tournent massivement vers les énergies renouvelables, d’autant que l’augmentation des coûts énergétiques impacte leurs activités. Il en résulte une forte demande pour des systèmes de stockage associés aux installations photovoltaïques nouvelles ou existantes. D’autre part, avec la montée en puissance spectaculaire de l’éolien en mer, la stabilisation des réseaux électriques va imposer des moyens de stockage de plus en plus démesurés et « l’hydrogène vert » apparaît comme un vecteur ouvrant une voie très prometteuse.

Comme nous l’avons souligné dans un article précédent, l’hydrogène vert obtenu par électrolyse atteint déjà une puissance phénoménale, comparable à celle d’une centrale nucléaire de deuxième génération. Il se présente ainsi comme une solution inédite pour le stockage de l’énergie éolienne d’une part et pour les véhicules à hydrogène d’autre part. En effet, l’hydrogène se caractérise par une énergie massique très élevée (environ 120 mégajoules par kilogramme), sans commune mesure avec celle des batteries, laquelle reste faible, même avec le lithium-ion. Malheureusement, l’hydrogène est un gaz très léger qui doit être comprimé sous forme gazeuse, parfois jusqu’à 700 bars, ou livré sous forme liquide à une température négative atteignant (moins250 °C). De ce fait, le rendement global de la chaîne de transformation reste médiocre mais heureusement, le gisement éolien en mer se renouvelle en permanence.

D’autres solutions de stockage à grande échelle font l’objet de développements parfois spectaculaires mais l’une des solutions les plus rentables, à l’image de la solution retenue pour les centrales hydroélectriques, consiste à mettre en œuvre des Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP). Ainsi le surplus éventuel d’électricité produit par les éoliennes sert à pomper l’eau d’un barrage afin de la stocker dans un grand réservoir. Cette réserve d’eau permet d’actionner en temps réel une turbine et son générateur électrique pour satisfaire la demande des consommateurs aux heures les plus chargées. La méthode est déjà employée sur plusieurs sites EDF dont la puissance globale atteint pratiquement 5 GW.

En définitive, le stockage de l’électricité sous forme d’hydrogène devrait s’imposer car il est en phase d’expérimentation dans de nombreux pays du monde. De multiples applications sont envisagées comme c’est le cas pour les transports terrestres, maritimes ou aériens afin de contribuer à la « décarbonation » dans ce secteur. En outre, l’hydrogène résout le problème du stockage des énergies renouvelables car on sait injecter au moins 20 % d’hydrogène « vert » dans le réseau de distribution du gaz naturel (1) pour contribuer à « décarboner » cette énergie fossile. Hélas, nous avons déjà observé que malgré le foisonnement des associations et la présence de plusieurs Commissions des Pouvoirs publics, la massification de la production « d’hydrogène vert » ne pourra pas intervenir avant 2030.

René Revol

(1) Démonstrateur présenté en juin 2018 par ENGIE à Cappelle-la-Grande, près de Dunkerque.

Références :

Énergies renouvelables : Le stockage d’énergie se développe – www.filière-3e.fr

– Les perspectives inattendues de « l’hydrogène vert » – www.renerevolconseil.com