16 Nov

Quelle place pour l’hydrogène sur nos véhicules ?

Pile à combustible

Le rôle de l’hydrogène, dans sa fonction de vecteur de l’énergie, est connu depuis le 19ème siècle. Jules Verne avait d’ailleurs anticipé une véritable révolution énergétique, fondée sur des applications de l’hydrogène, dans l’un de ses romans d’aventures. En outre, l’hydrogène extrait de la houille fournissait déjà l’éclairage public dans les années 1840.

Ce combustible trouva un nouvel élan dès les origines des programmes spatiaux car il concentrait un maximum d’énergie pour la propulsion. A la fin du 20ème siècle, de nouvelles perspectives d’emploi sont apparues avec les systèmes de secours du réseau électrique pour des faibles puissances, notamment dans les stations de base de la téléphonie mobile. C’est dans ce contexte que j’ai personnellement soutenu des sociétés naissantes comme AXANE (filiale d’Air Liquide en France), puis IDATECH (filiale de Ballard au Canada) en présentant des approches technico-économiques aux décideurs, avec les industriels concernés. Hélas, ce marché est resté confidentiel car, pour des raisons d’optimisation des coûts, l’alimentation des stations de base de la téléphonie mobile est peu sécurisée ; les opérateurs ayant opté pour une autonomie sur batterie de quelques dizaines de minutes.

Principe de la pile à combustible

Principe de la pile à combustible

Les premières piles à combustible destinées aux applications stationnaires intégraient une petite batterie de 2 kWh pour en assurer le lancement quasi instantané, mais « l’histoire retiendra » que l’une des revendications du brevet ASCETE, déposé par France Télécom en février 1998, concernait la suppression de cette batterie de lancement qui a définitivement disparu dans les applications stationnaires et mobiles.

Aujourd’hui, l’essor irréversible de la traction électrique change la donne dans le secteur des transports et l’hydrogène pourrait devenir l’un des carburants écologiques de demain. En effet, on observe une complémentarité entre l’électricité et l’hydrogène si l’on veut accroître fortement l’autonomie de la voiture électrique. En France, le groupe Air Liquide participe activement à la promotion de l’hydrogène utilisé comme énergie propre dans les transports. Il y a même des segments de marchés qui ont trouvé leur modèle économique : c’est le cas des chariots élévateurs dans les grands centres de logistique développés par Amazone, Carrefour, Ikea, etc. De plus, la société Ballard, qui fabrique et exporte les cœurs de piles dans le monde entier, annonce une avancée technologique permettant de réduire la quantité de platine dans le catalyseur, donc de baisser les coûts.

Sur le plan technique, la voiture électrique à hydrogène se présente comme un « véhicule hybride » dont le moteur thermique est remplacé par une pile à combustible. La batterie de traction contient toute l’énergie électrique embarquée et sa capacité varie selon la puissance et le cycle de conduite du véhicule, pour tendre vers une autonomie de 100 km sur route. Comme cela a été souligné dans un article précédent, la technologie « lithium-ion » offre une énergie massique élevée et une durée de vie d‘une dizaine d’années, avec des possibilités de réutilisation pour des applications domestiques.

Concernant le moteur d’entrainement à courant continu, deux familles de moteurs sont actuellement en compétition : le moteur synchrone à rotor bobiné (solution adoptée par Renault sur ZOE, Fluence et Kangoo) et le moteur synchrone dont le rotor est constitué d’aimants permanents (solution adoptée par PSA et Toyota). On notera que ces moteurs électriques offrent un rendement supérieur à 80% contre 35% pour les moteurs à essence.

Le véhicule à hydrogène

Le véhicule à hydrogène

A la différence des véhicules hybrides à essence, le « prolongateur d’autonomie » à hydrogène met en œuvre une pile à combustible de faible puissance pour maîtriser les coûts et préserver la charge utile. De ce fait, son fonctionnement est quasi permanent pendant toute l’utilisation du véhicule. Les caractéristiques de ce prolongateur dépendent de la voiture et de son usage : une pile de 5 kW et un réservoir contenant 2 kg d’hydrogène, équiperont un véhicule Renault Kangoo doté d’une batterie rechargeable de 20 kWh. A contrario, un taxi à usage intensif, doté d’une batterie de 40 kWh, nécessitera 15 kW pour la pile et 3 kg pour l’hydrogène. Une mention spéciale doit être attribuée à la Toyota Mirai dont la pile à combustible offre une puissance identique à celle du moteur électrique, soit 114 kW. Dans ce cas exceptionnel, toute la puissance est délivrée par la pile à hydrogène, mais le surcoût qui en résulte n’est plus à la portée de «l’automobiliste lambda » et il s’agit pour l’heure d’une vitrine en matière d’énergies alternatives.

Air Liquide annonce avoir livré plusieurs dizaines de stations d’hydrogène et, selon la presse spécialisée, on en dénombre plusieurs centaines au plan mondial. La station de Paris Orly est dévolue plus spécialement à la Compagnie de taxis HYPE. Elle peut délivrer 200 kg d’hydrogène par jour, ce qui représente un parcours moyen de 200 km pour une centaine de voitures. Les pompes à hydrogène sont conçues pour remplir les réservoirs des véhicules avec une pression comprise entre 350 et 700 bars. Quant à la maîtrise des risques associés à ce type de combustible, elle a déjà été évoquée dans mon article sur l’avenir des piles à combustible.

Pompe à hydrogène

Pompe à hydrogène

Avec un temps de remplissage de quelques minutes et une autonomie supplémentaire de 300 km ou plus, l’hydrogène offre une solution efficace pour les longs déplacements, mais aussi en site urbain puisque la pile à combustible fonctionne sans bruit, sans émission de CO2, ni de particules.

Le prolongateur d’autonomie apparait ainsi comme un « système de sauvegarde » conçu pour éviter une décharge profonde et imprévisible de la batterie de traction (accident, embouteillage, chauffage, climatisation…). Sous cet angle, l’hydrogène pourrait doper les ventes des voitures électriques en éliminant les appréhensions légitimes des conducteurs, lesquelles font toujours obstacle au développement de ce marché.

Ces perspectives d’emploi sont réelles, mais il est difficile d’imaginer que l’hydrogène puisse se substituer totalement à l’électricité pour les raisons suivantes :

  • La production de l’hydrogène, par le biais de l’électrolyse en mer et des éoliennes offshore, peut paraître séduisante mais sa rentabilité reste faible par rapport à la production de l’électricité sur le site ;

  • La compression de l’hydrogène nécessite de l’énergie en pure perte pour le stockage sous haute pression dans les réservoirs ;

  • Le rendement intrinsèque de la pile à combustible n’excède pas 50%, si on intègre l’électronique et les asservissements ;

  • L’objectif de prix de l’hydrogène à la pompe est loin d’être atteint : le kilogramme d’hydrogène devra descendre autour de dix euros pour une autonomie de 100 km.

En définitive, l’hydrogène apparait comme un bon vecteur énergétique capable de booster les ventes des véhicules électriques en palliant leurs points faibles (autonomie et temps de charge). C’est la place que ce combustible semble pouvoir occuper dans l’électro-motricité et c’est sous cet angle que le «Conseil de l’hydrogène », co-présidé par Air Liquide et Hyundai, cherche à favoriser le développement du marché en réunissant de nombreuses multinationales, dont Alstom, Total et Toyota.

René Revol (16/02/18)