12 Avr

Les perspectives inattendues de « l’hydrogène vert » 

Par définition, « l’hydrogène vert », que l’on peut aussi qualifier d’hydrogène propre, est obtenu grâce au processus d’électrolyse de l’eau chargée de sodium pour la conductivité qui, comme nous le savons, permet de séparer les deux atomes d’hydrogène et celui de l’oxygène, mais à condition de faire appel à une source d’énergie renouvelable. De ce fait, on le distingue de l’hydrogène produit à partir de sources d’énergie fossile, voire de sources d’énergie plus ou moins « décarbonée » comme celle des centrales nucléaires.

Aujourd’hui, la flambée des prix des combustibles fait croître celui de l’hydrogène provenant d’énergies fossiles. A l’opposé, l’hydrogène vert devient de plus en plus compétitif, même si sa production issue de l’énergie renouvelable est encore au stade de lancement. En effet, cette source de production inépuisable devient de plus en plus attractive en termes de sécurité énergétique et de durabilité, d’autant que les conflits actuels menacent fortement les approvisionnements en énergie fossile.

L’hydrogène vert est à la fois une ressource renouvelable et propre, un gaz omniprésent dont les propriétés sont multiples car il peut se substituer partiellement au gaz naturel, faciliter le stockage des énergies renouvelables, alimenter les piles à combustible dédiées aux véhicules hybrides, etc.

La perspective d’une production à grande échelle

Dans son principe, l’électricité générée par des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques, permet de produire l’hydrogène à grande échelle. Néanmoins, une adéquation doit être recherchée pour la production de masse car elle requiert de longues durées de fonctionnement à pleine charge, ce qui écarte les éoliennes terriennes produisant de l’électricité 1500 h/an en moyenne, d’autant que les électrolyseurs absorbent difficilement les intermittences et les fluctuations rapides des sources d’énergie. De ce fait, les gisements d’énergie les plus favorables sont les parcs éoliens « offshore » de la Mer du nord et les grandes centrales solaires d’Afrique équatoriale ou du Moyen-Orient.

Cette production d’hydrogène résout le problème du stockage des énergies renouvelables car il suffit d’injecter l’hydrogène vert dans le réseau de gaz naturel existant et sa part peut être portée à 20%.

Electrolyseur McPhy

Electrolyseur McPhy

C’est ainsi qu’en juin 2018, le démonstrateur Grhyd (Gestion des réseaux par l’injection d’hydrogène pour décarboner les énergies) présenté par Engie à Cappelle-la-Grande près de Dunkerque, a permis de produire et d’injecter 20% d’hydrogène vert dans le réseau de distribution de gaz naturel. Ce démonstrateur a également satisfait les besoins d’une centaine de logements en termes de chauffage, eau chaude…, et d’une cinquantaine de bus de la ville de Dunkerque. Par ailleurs, Engie estime que les émissions de dioxyde de carbone sont réduites de 7 à 8 % lors de la combustion.

La stratégie appliquée à son développement

Dans le contexte favorable décrit ci-dessus, et à l’instar de ses voisins européens, le gouvernement français a lancé un plan de sept milliards d’euros pour développer une filière française d’hydrogène vert.

Ce plan s’accompagnera d’investissements considérables dans la fabrication d’électrolyseurs et de réservoirs d’hydrogène, à l’initiative de grands groupes (Air Liquide, Engie, Faurecia, Hydrogenics…), mais aussi de start-up ambitieuses (McPhy, Genvia, Symbio…).

A ces entreprises, s’ajoutent des Associations comme Afhypac (Association Française pour L’hydrogène et les piles à combustible), H2Life (fondation scientifique d’utilité publique créée en 2011) et France Hydrogène (Association qui fédère les acteurs de l’hydrogène en France).

Malgré ce foisonnement d’entreprises et d’associations, auxquelles s’ajoutent les différentes Commissions des Pouvoirs publics, la massification de la production d’hydrogène vert ne devrait pas intervenir avant 2030 et la concurrence mondiale, notamment celle de la Chine, pourrait se durcir au fil des années.

Les projets sélectionnés et les actions en cours

En 2019, l’ADEME a soutenu onze projets liés à la « mobilité hydrogène » dans le plan de déploiement présenté par le Ministère de la transition écologique, parmi lesquels on recense :

  • mille deux cents véhicules à hydrogène et vingt stations de livraison d’hydrogène pour le Conseil Régional Auvergne/Rhône Alpes ;

  • une Navette maritime à hydrogène de 200 passagers ainsi que des bus à hydrogène pour la métropole de Toulon ;

  • huit bennes à hydrogène pour les ordures ménagères de Dijon Métropole ;

  • cinq bus à hydrogène pour la Communauté de l’Auxerrois ;

  • un bateau à hydrogène pour la traversée de la Loire, lequel a été commandé par le Conseil départemental de Loire-Atlantique, etc.

    Bus à hydrogène

    Bus à hydrogène

En 2020, la Commission européenne a défini une stratégie pour l’hydrogène en vue d’une neutralité de l’Europe sur le plan climatique. Elle a prévu d’installer de nombreux électrolyseurs représentant une puissance totale de 6 GW d’ici 2024. Cette capacité devrait atteindre 40 GW en 2030, afin de produire annuellement 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable. Dans son plan de relance 2020, la France a décidé d’investir sept milliards d’euros dans ce domaine en 10 ans. L’une des plus importantes installations de production d’hydrogène vert projetées dans le monde, d’une capacité de 600 MW, sera déployée à Fos sur mer pour décarboner les grosses installations pétrochimiques et sidérurgiques. En parallèle, les besoins en hydrogène de la mobilité lourde sur l’emprise portuaire marseillaise sont estimés à plus de 100 000 tonnes, ce qui représente 1,2 GW de puissance électrique disponible en permanence.

L’implication du secteur des transports

Dans le secteur des transports, Renault vient d’accélérer le développement de la filière hydrogène en créant la coentreprise Hyvia avec Plug Power, l’un des pionniers américains de la pile à combustible. La marque aux losanges prévoit d’ores et déjà d’assembler 1000 piles à combustible dans son usine de Flins. Cette usine de 30 000 m2 est la première pierre d’un édifice qui s’étendra rapidement si la filière hydrogène se généralise, comme c’est le cas avec les véhicules 100% électriques. A terme, la coentreprise vise 30% du marché européen des utilitaires à hydrogène. Rappelons que par rapport aux véhicules 100% électriques, les véhicules à hydrogène offrent deux avantages très significatifs : une autonomie réelle de 600 km et une durée de remplissage de l’ordre de trois minutes. Par ailleurs, on sait fabriquer des réservoirs parfaitement étanches, capables de stocker jusqu’à 5 kg d’hydrogène à une pression de 700 bars.

La coentreprise prévoit de lancer d’ici la fin de 2022 une seconde ligne de fabrication dédiée aux stations de recharge à hydrogène.

Véhicule à hydrogène et station de recharge

En effet, l’année 2021 a marqué un développement accéléré de cette filière dans le monde et 700 infrastructures de recharge sont déjà opérationnelles, dont la moitié en Asie.

En définitive, l’hydrogène vert apparait comme un pilier en devenir de la transition écologique sous différentes formes: l’injection dans le réseau de distribution de gaz naturel, le stockage de l’énergie renouvelable, les moyens de transport terrestres et aériens à zéro émission, les installations de raffinage, etc.

L’Académie des technologies, société savante française, a résumé l’état de l’art de la filière « hydrogène vert » dans son rapport du 30 juin 2020 : « le développement de la filière hydrogène relève du temps long. Des perspectives séduisantes sont ouvertes, mais leur point d’arrivée n’est pas acquis. Il convient d’accepter que de nombreux travaux de développement n’aboutissent que dans les décennies à venir »

A l’opposé, il existe des controverses dans les milieux scientifiques, lesquels considèrent que la filière de production de l’hydrogène vert serait économiquement peu viable à grande échelle, car cette production s’effectue au détriment de l’électricité injectée dans le réseau électrique.

René Revol

Références :