02 Jan

L’hydrogène et la transition énergétique

Dans mon article publié en avril 2022 (voir la rubrique ACTUALITES de mon site Web cité en référence), j’ai déjà développé les perspectives inattendues de « l’hydrogène vert » obtenu grâce au processus d’électrolyse en mer, mais avec des énergies renouvelables. Depuis cette date, les applications de l’hydrogène se sont multipliées, d’autant que le gouvernement français avait défini une stratégie pour l’accélération de son développement puis un plan de relance en septembre 2020 pour une transition énergétique..

Nous avons vu que l’hydrogène était très utilisé dans l’industrie pétrolière et l’industrie chimique, mais par contre, il n’est pas encore exploité valablement comme vecteur de la transition énergétique alors qu’il présente un enjeu environnemental indéniable et même un enjeu économique.

Outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques, l’hydrogène « décarboné » peut largement contribuer à la diminution de la consommation des énergies fossiles, notamment dans le domaine des transports.

Un état des lieux de l’hydrogène en France

Gaz invisible et inodore, l’hydrogène reste l’élément chimique le plus abondant dans l’univers. Sur notre planète, il est rarement présent à l’état pur mais il entre dans la composition de l’eau et des hydrocarbures. Ce n’est donc pas une source d’énergie mais un « vecteur énergétique » qui doit être produit, puis stocké, avant d’être utilisé.

Rappelons que l’énergie contenue dans l’hydrogène est récupérable de deux manières différentes :

  • en le brulant directement : la combustion d’un kilo d’hydrogène libère trois fois plus d’énergie que la combustion d’un kilo d’essence et elle ne produit que de l’eau 

  • par le biais d’une pile à combustible : avec l’oxygène de l’air et l’hydrogène mis à disposition, elle produit de l’électricité en ne rejetant que de l’eau.

Actuellement, le marché mondial de l’hydrogène est surtout un marché industriel concernant l’industrie pétrolière et l’industrie chimique mais cet hydrogène provient à 94% d’énergies fossiles (gaz, charbon, hydrocarbures…). A ce titre, la production d’hydrogène représente encore 3% des émissions de CO2 sur le plan national.

Pour exploiter le potentiel de l’hydrogène décarboné dès maintenant, deux sortes d’industries sont particulièrement concernées : celle qui consomme de l’hydrogène par nécessité comme la verrerie et surtout celle du ciment dont l’empreinte carbone représente 4% des émissions mondiales de CO2.

En attendant la montée en puissance du photovoltaïque et de l’éolien, l’hydrogène décarboné peut être produit de façon économique grâce à la technologie de l’électrolyse mais avec des centrales électriques nucléaires comme sources d’énergie. A ce jour, le marché industriel de l’hydrogène offre un volume suffisant pour permettre un développement en grande série des électrolyseurs et ainsi réaliser des économies d’échelle pour réduire les coûts. Rappelons qu’en 2020, la Commission européenne a prévu d’installer un grand nombre d’électrolyseurs d’une puissance unitaire de 2 ou 3 MW pour atteindre 6 GW d’ici 2024, puis 40 GW en 2030, tout en produisant 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable. L’hydrogène va ainsi permettre d’accélérer la « décarbonation » de nombreux usages, dans l’industrie, la mobilité et les réseaux de gaz naturel.

Une stratégie nationale pour l’accélération du développement

La France poursuit son objectif de « décarbonation » de l’industrie en faisant émerger la filière de l’électrolyse pour produire de l’hydrogène vert. Cet hydrogène permet ainsi de diminuer les émissions de CO2 dans l’atmosphère et le gouvernement vise à réduire ces émissions d’au moins 80 % à l’horizon 2050. Pour atteindre ces objectifs, une enveloppe de de 2 milliards d’euros vient d’être attribuée et un financement de 7 milliards d’euros est prévu jusqu’en 2030.

Parallèlement, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit d’atteindre 32% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie et 40% dans la production d’électricité. A moyen terme, lorsque le taux des énergies intermittentes sera beaucoup plus élevé, l’hydrogène pourra jouer un rôle clef dans la stabilisation du réseau interconnecté.

Cette loi fixe également l’objectif de réduire la consommation des énergies fossiles de 30% en 2030. C’est donc l’hydrogène qui sera le principal levier pour atteindre cet objectif, mais surtout le levier essentiel pour la poursuite de la transition énergétique vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. De plus, le plan du gouvernement devra s’appliquer prioritairement dans les DOM/TOM qui sont des zones non interconnectées au réseau d’électricité de la métropole.

Comme nous l’avons constaté dans mon article d’avril 2022, les déploiements industriels de l’hydrogène décarboné, notamment en matière de mobilité électrique, en feront un pilier de la transition énergétique à moyen terme. Avec AIR LIQUIDE, FAURECIA, ALFA LAVAL et les premières start-up existantes, la filière française est bien placée dans la production d’hydrogène vert ou décarboné. Dès aujourd’hui, on sait développer les nouveaux usages liés à la mobilité, puis stocker l’énergie renouvelable dans le réseau du gaz naturel à hauteur de 20%.

Des usages dans la mobilité électrique au détriment des batteries

Le développement des véhicules « propres », sans dégagement de CO2, reste l’un des principaux objectifs de la transition énergétique. Comme il a déjà été souligné, les solutions basées sur l’hydrogène et les piles à combustible offrent d’énormes avantages par rapport aux batteries, en particulier des temps de recharge extrêmement courts et des autonomies deux fois plus élevées.

Il reste à généraliser la filière pour rendre les véhicules à hydrogène plus compétitifs mais nous savons que la fabrication des batteries nécessite une extraction de minerais tels que le lithium et un recyclage imposé par une faible durée de vie. Ces contraintes de fabrication et de recyclage sont pénalisantes pour les véhicules 100% électriques car elles sont très émettrices de CO2, contrairement à la production et à l’exploitation de l’hydrogène vert. De ce fait, les progrès technologiques déjà réalisés permettent d’envisager des déploiements à grande échelle pour les véhicules à hydrogène.

Des applications de secours originales en énergie

Dans mon article d’avril 2016, j’ai souligné les nombreux avantages des piles à combustible pour des applications stationnaires, mais aussi les handicaps constatés vers la fin du 20ème siècle, après leur développement par les sociétés BALLARD, AIR LIQUIDE et IDATECH :

  • l’hydrogène présentait un risque d’inflammabilité et d’explosivité comparable à celui du gaz naturel dont l’usage est largement répandu ;

  • la présence d’un catalyseur au platine entraînait des coûts trop élevés par rapport aux batteries existantes ou aux petits groupes électrogènes ;

  • la puissance unitaire disponible ne dépassait pas 5 kW sous 48V.

Grâce aux travaux de normalisation et à la réglementation imposée, les bouteilles d’hydrogène ont pris place à l’extérieur du local fermé abritant les équipements pour éviter tout confinement de l’hydrogène en cas de fuite. Des installations ont été réalisées (alimentation sécurisée d’un poste d’aiguillage, maintien des fonctions vitales d’un grand « data-center »…) mais ces petites installations de secours n’ont représenté qu’un marché de niches.

Depuis cette période, les piles à combustible ont fait l’objet de nombreuses recherches et de gros moyens financiers, notamment dans le secteur automobile, de telle sorte que les piles de 400V (50 à 200 kW) qui équipent les grosses berlines à hydrogène, deviennent tout à fait compétitives. Elles sont donc disponibles pour des applications de secours en énergie de forte puissance. A ce titre, le lecteur pourra télécharger sur mon site Web, la spécification technique et le rapport de validation du Démonstrateur ASCETE (Architecture Simplifiée Conçue pour l’Environnement Technique et l’Energie). Le brevet ASCETE que j’avais fait déposer par France Télécom en1998 relève aujourd’hui du Domaine Public.

idatech

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On notera que les adaptations nécessaires pour rendre le groupe électrogène compatible avec une ASI triphasée et interactive, ne sont plus utiles avec une pile à hydrogène. Cela permet de contribuer à la diminution des énergies fossiles et de lutter contre l’effet de serre, sous réserve de garantir une bonne étanchéité pour éviter les fuites d’hydrogène dans l’atmosphère.

Une stabilisation des réseaux énergétiques à moyen terme

Comme nous l’avons déjà souligné avec les premières expérimentations dans le Pas-de-Calais, l’introduction de l’hydrogène propre dans les réseaux de gaz naturel devient une opportunité pour réduire l’emploi d’un combustible fossile importé en France.

Dans un autre contexte, l’hydrogène devrait contribuer à la flexibilité du réseau électrique interconnecté en offrant un stockage d’énergie pour le développement des énergies renouvelables mais intermittentes, alors que l’énergie provenant de l’hydroélectricité est parfaitement pilotable à distance. En d’autres termes, l’hydrogène pourrait devenir un élément de stabilisation des réseaux énergétiques alors que les risques de coupure d’alimentation électrique sont régulièrement évoqués en période hivernale et que les consignes gouvernementales visent à réduire la consommation électrique nationale pour les particuliers, le secteur tertiaire et le secteur industriel.

En conclusion, l’hydrogène « vert ou décarboné » apparait bien comme un pilier de la transition énergétique sous différentes formes : les applications dans la mobilité, les applications dans l’industrie et celles dans les réseaux d’énergie existants comme les alimentations de secours. Il va donc contribuer largement à réduire l’importation des énergies fossiles et à stabiliser les réseaux de distribution électrique.

Si au 20ème siècle, l’énergie est devenue l’un des enjeux majeurs pour les Etats et une multitude d’acteurs privés, au 21ème siècle l’hydrogène pourrait lui aussi devenir l’un des enjeux majeurs à condition de saisir toutes les opportunités, c’est-à-dire de développer massivement les électrolyseurs pour la montée en puissance et de multiplier les applications écologiques comme le souhaitent nos dirigeants sur le plan politique.

René Revol

Références

www.renerevolconseil.com

Avril 2016 : Quel avenir pour les piles à combustible ?

Avril 2022 : Les perspectives inattendues de « l’hydrogène vert »

www.ecologique-solidaire.gouv.fr

Septembre 2020 : Plan de relance du déploiement de l’hydrogène du Ministère de la Transition écologique et solidaire