06 Fév

Une compétition au long cours entre le tout électrique et l’hydrogène

Face aux enjeux climatiques et à la raréfaction des énergies fossiles, la mobilité verte est devenue un impératif pour tous, ce qui pousse les foyers à s’équiper de véhicules non polluants, d’autant que la présence de véhicules Diesel fait déjà l’objet d’interdictions dans les grandes métropoles. Parallèlement, et suivant le principe de la poule et l’œuf, les infrastructures sont mises en place progressivement pour ne pas retarder ce processus.

Le marché de la voiture 100% électrique est de plus en plus dynamique puisque les ventes atteignaient 20 % de part de marché en fin d’année 2022 contre 9% à la fin de 2021. Par contre, l’achat de voitures à hydrogène suscite de nombreuses interrogations à cause de son coût encore élevé et de l’insuffisance des infrastructures de recharge.

Le confort et les performances

Exception faite pour l’autonomie et le temps de charge, les voitures à hydrogène et les voitures 100% électriques présentent des qualités d’utilisation globalement similaires :

  • un fonctionnement silencieux,

  • une grande réactivité au démarrage,

  • une absence de pollution.

concept d’avions régionaux à zéro émission

L’autonomie apparaît comme l’un des points faibles du tout électrique par rapport à l’hydrogène, d’autant que l’écart entre l’autonomie théorique et l’autonomie réelle dépend des conditions de conduite, de la température externe, de la vitesse, etc. Les modèles actuels de berlines à hydrogène peuvent embarquer environ 6 kg de carburant, ce qui permet d’effectuer plus de 650 km contre 350 km en moyenne pour l’électrique. En outre, les températures négatives n’ont pas d’impact sur l’autonomie d’une voiture à hydrogène, contrairement aux batteries des motorisations électriques.

A contrario, les voitures électriques se démarquent en matière d’entretien car si les véhicules à hydrogène comportent une motorisation semblable à celle des véhicules thermiques, les modèles électriques comprennent très peu de pièces mécaniques soumises à l’usure.

Le bilan carbone et l’impact sur l’environnement

Théoriquement, la voiture électrique et la voiture à hydrogène sont considérées comme deux technologies à zéro carbone mais selon l’Association canadienne de l’hydrogène et des piles à combustible, l’empreinte carbone de la voiture à hydrogène n’excéderait pas 2,7 kg de CO2 par km contre 20,9 kg pour la voiture électrique. En effet, le poids des batteries est très pénalisant car la batterie d’une TESLA 3 pèse 480 kg contre 88 kg pour le réservoir d’une Toyota Mirai à hydrogène. C’est d’ailleurs une aberration que de transporter des batteries et encombrer un véhicule destiné au transport des personnes et de leurs bagages. On peut également considérer que l’autonomie des voitures à hydrogène nécessite deux fois moins de bornes de recharge.

Prenant en compte l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule (fabrication, utilisation, recyclage et fin de vie), le cabinet Deloitte a calculé que le bilan carbone de la voiture à hydrogène était de 130 à 230 g de CO2 par km, contre 160 à 250 g pour la voiture électrique. Cette différence est due principalement à la production des batteries car l’extraction du lithium et des métaux rares nécessite beaucoup d’énergie libérant du C02. Mais là encore, tout dépend de la façon dont l’électricité est produite car le mix énergétique actuel en Europe repose majoritairement sur les énergies fossiles (62 % en 2019). Par contre, si l’électricité est produite principalement par le nucléaire, l’éolien et le solaire comme en France, le bilan carbone est bien plus favorable à la voiture électrique.

.L’efficacité énergétique: un critère de choix important

Selon Tom BAXTER, professeur de génie chimique à l’université d’Aberdeen en Ecosse, l’avantage de l’efficacité énergétique apparaît clairement en faveur de la voiture électrique. A titre d’exemple, sur 100 watts d’électricité produite par une éolienne, on perd 25% dans l’électrolyse pour la conversion en hydrogène. Ensuite, cet hydrogène doit être comprimé, réfrigéré et transporté jusqu’à la station de charge, ce qui induit 10% de pertes d’énergie supplémentaires. Sachant que la conversion en électricité pour le déplacement d’un véhicule consomme 45% d’énergie en pure perte, on dispose de moins de 38W pour la propulsion du véhicule. Globalement, on obtient un rendement de l’ordre de 35% alors que celui de la voiture électrique s’élève à près de 75% en ajoutant les pertes liées au transport par le réseau électrique et celles liées au cycle de charge/décharge des batteries. Cela signifie qu’une voiture à hydrogène consomme environ deux fois plus d’électricité qu’une voiture électrique pour parcourir une même distance.

Le coût global des véhicules : un autre critère de choix

Concept d’avion AIRBUS à hydrogène

En ce qui concerne le prix d’achat, une voiture à hydrogène coûte en moyenne 70 000 euros actuellement mais selon la groupe Hydrogène Europe, le coût des piles à combustible a déjà chuté de plus de 80% au cours des cinq dernières années. Rappelons qu’un véhicule à hydrogène a la même architecture qu’un véhicule électrique, avec son moteur à courant continu et ses batteries, mais auxquels s’ajoutent une pile à combustible et un réservoir à haute pression. L’ensemble reste donc plus cher et l’hydrogène ne devient pertinent que pour des véhicules lourds destinés à parcourir plus de 300 kilomètres par jour. C’est d’ailleurs la notion de distance qui a conduit l’avionneur AIRBUS à envisager des tests de fonctionnement à l’hydrogène d’un A380 doté de piles à combustible, avec la perspective d’un premier décollage en 2026.

L’argument écologique n’est pas le seul avantage de la voiture électrique. Cette dernière serait également plus économique à l’usage, avec un coût de revient de 2 à 7 euros pour 100 km contre 9 à 12 euros pour la voiture à hydrogène. De même, la voiture électrique serait moins coûteuse en entretien. On observera également que l’installation de bornes de recharges électriques est moins onéreuse que le déploiement d’un réseau de stations à hydrogène. Par ailleurs, il n’est pas envisageable de recharger une voiture à hydrogène à domicile contrairement aux voitures électriques qui ne nécessitent qu’une borne murale plus ou moins renforcée.

Les investissements en matière d’infrastructures

La difficulté de stocker et de transporter l’hydrogène explique la faible densité du réseau de stations-services, ce qui tend à freiner le développement des voitures à hydrogène en plus de leur prix d’achat. Toutefois, dans les secteurs du privé et de l’industrie, on s’oriente vers des flottes d’utilitaires, bus et camions fonctionnant à l’hydrogène. Pour l’instant, la France compte seulement une soixantaine de stations de recharge en hydrogène, mais elle a pour objectif d’ouvrir 225 stations d’ici 2025, puis 1000 stations à l’horizon 2030 avec une puissance installée atteignant 6500 mégawatts.

Selon le président d’Hyvia, une coentreprise à 50/50 entre Renault et Plug Power, c’est sur le créneau des collectivités et de l’industrie que l’hydrogène fait sens. Les ambitions d’Hyvia sont d’ailleurs européennes avec une gamme d’utilitaires qui sera commercialisée dès 2023.

En définitive, la voiture 100% électrique s’imposera encore longtemps chez les particuliers mais l’hydrogène apparait déjà comme une alternative viable pour les entreprises privées, le secteur de l’aviation et celui du spatial.

Si la voiture à hydrogène se fait encore très rare, la voiture électrique contribue déjà à diminuer notre empreinte carbone. C’est ainsi que la compétition lithium-ion/hydrogène promet d’animer le marché des véhicules et du spatial dans les années 2020 et 2030, mais cette compétition pourrait bien déboucher sur une complémentarité à moyen terme.

René Revol

Références :